Erika Dueck et Mathieu Valade
Le meilleur des mondes dans le cadre de la septième Biennale nationale de sculpture contemporaine
CIRCA art actuel
20 juin au 10 septembre 2016
Le 10 septembre dernier se terminait l’exposition Le meilleur des mondes, dans le cadre de la septième Biennale nationale de sculpture contemporaine, portant le même nom, au Centre d’exposition CIRCA art actuel. La BNSC se déroulant principalement dans la ville de Trois-Rivières avait toutefois un pôle à Montréal dans l’iconique édifice du Belgo. Aux alentours de l’évènement central, une cinquantaine d’artistes s’investissaient dans les expositions parallèles.
En 1932, Aldous Huxley a écrit Le meilleur des mondes, un roman d’anticipation à la fois dystopique et visionnaire dans lequel l’auteur imaginait une société future. Aujourd’hui, à l’instar d’Huxley, quel monde augurer ? Quel monde actualiser, idéaliser ou simplement inventer ? Utopique ou rationnel ?
L’exposition chez CIRCA offrait la découverte de deux types de monde — isolés et fabriqués —, réfléchis selon deux différents artistes, par l’entremise de mises en scène mirifiques, comme intrigantes.
Erika Dueck, artiste originaire du Manitoba, crée des agencements intérieurs miniatures qui explorent la façon dont nous percevons et interprétons la réalité. Pratique courante dans sa démarche, elle propose des mondes confinés, retirés de leur environnement et qui existent indépendamment des structures physiques les entourant. Dans son installation Through Still Wanderings, présentée au Centre CIRCA, l’on retrouvait des mises en scène qui semblaient être tirées du roman. Ces œuvres deviennent des sortes de traductions tangibles, matérielles et sculpturales des lieux, tels que décrits et rêvés par l’auteur du récit. Dans l’une des deux pièces, Dueck propose la vue d’espaces complexes et réduits, remplis d’archives de tout genre, principalement en papier, qui rappellent les livres interdits chez Huxley. La perception des centaines d’écrits, tous positionnés dans de minuscules cabinets de rangement est déconcertante. Dans l’autre pièce se retrouvaient des modèles réduits de corridors aigres dans lesquels les intérieurs se confondent à l’espace. Ils deviennent des passages qui s’étendent vers des endroits éloignés, des boucles sans fin. Les rendus des œuvres à l’état maquette par la matérialité — où les fils de l’éclairage, fragments de ruban adhésif et résidus de colle sont apparents, rendant celles-ci fragiles et étrangement sensibles. Les dispositifs de présentation simples s’intégraient à l’ensemble de l’installation.
Mathieu Valade, artiste du Saguenay-Lac-Saint-Jean, proposait un projet inspiré d’un lieu du roman Le meilleur des mondes ; celui où les fœtus grandissent dans des bocaux. Cette image mythique est aussi présente sur les différentes éditions des couvertures du roman. L’installation Post-Romantique de Valade se rapproche de ce lieu dans sa forme extérieure. Elle se compose d’une série de douze prismes de verre dépoli, tous identiques, rappelant les fameux bocaux. La surface floue et embrouillée des primes offre des compositions ambigües ainsi qu’effacées. Ces formes, à la fois compositions sculpturales d’un ensemble d’éléments inanimés tendent vers la représentation traditionnelle et hégémonique des natures mortes. Le contenu des prismes ne réfère toutefois pas à l’ouvrage littéraire. Par l’intégration d’objets contemporains divers qui semblent issus d’un univers kitsch : ballons colorés, fleurs et plantes de plastiques, vases et multiples objets orientaux. Ceux-ci peuvent référer aux notions de vanitas et de memento mori, deux représentations artistiques privilégiées pour représenter symboliquement la mort, par la destruction de la matière.
Dans le contexte de cette thématique, la scénographie, bien que sobre, offrait toutefois une expérience inattendue. Dans le cas de Dueck, la construction miniature, ce puits infini submergé de livres et d’archives aux formats dérisoires, troublait la perspective du regardeur. L’ensemble des microscopiques objets semblait inaccessible. Pour Valade, les boites de verre embrouillé obstruaient la perception des objets cloitrés.
L’exposition Le meilleur des mondes demeure avant tout l’expérience d’une proximité dans deux univers fictifs, inspirés d’un roman à succès où vivre est impossible…