Je dois dire que le Belgo m’avait terriblement manqué durant la période les fêtes, et j’étais donc particulièrement heureuse de parcourir à nouveau ses galeries cette semaine, presque toutes déjà animées d’expositions fraîchement installées. J’ai donc eu la chance de découvrir bon nombre de nouvelles propositions (et je vous invite d’ailleurs à en faire de même si vous en avez le temps). Toutefois, j’ai eu un coup de cÅ“ur plus marqué pour celle toute en simplicité de la Galerie Hugues Charbonneau, dont le titre définit assez bien le concept élargi. Réunissant quatre artistes de médiums et de renommées différents, Le temps s’est arrêté joue donc évidemment sur la temporalité et rassemble une panoplie de moments figés, d’arrêts momentanés et de parcours interrompus.
La grande vedette de cette exposition est sans contredit Benoit Aquin, lauréat du prestigieux prix Pictet en 2008 pour sa série Le « Dust Bowl » chinois, de laquelle sont extraites deux photographies présentées à la galerie. Une autre, L’envolée (2010), tirée du projet Haïti, est installée à l’entrée de la galerie, et donne immédiatement le ton au reste du parcours puisqu’elle saisit au vol un footballeur de rue au moment exact où ses pieds quittent le sol pour intercepter le ballon. En arrière-plan : de la fumée, du feu, des débris, des bâtiments délabrés. L’approche est résolument documentaire plus qu’artistique, mais étrangement, l’ensemble est plus que cohérent et partage à merveille l’espace avec les autres travaux plus caractéristiques du milieu de l’art contemporain.
Karine Payette, dont j’avais déjà parlé brièvement dans mon article sur Objets de tous les désirs à la Galerie SAS, insiste elle aussi sur l’arrêt du temps avec son Å“uvre Juste avant (2013), où le spectateur est témoin d’une sorte de moment privilégié où un chat est habilement retenu à quelques millimètres d’un tapis, lui aussi entre deux états, comme si le tout avait été interrompu brusquement, laissé en plein vol. Payette présente aussi une photographie de sa série Moments d’incertitudes (2012), reprenant encore là la thématique de l’instant figé qui lui semble chère, et conférant au résultat final un aspect très cinématographique, théâtral, presque loufoque. La jeune artiste est définitivement à surveiller, j’en suis de plus en plus convaincue, et j’ai d’ailleurs bien hâte de voir ses prochaines réalisations dans un avenir rapproché.
Deux Å“uvres de Tammi Campbell sont aussi de l’exposition, projets minutieux et mathématiques donnant l’impression d’avoir été laissés en plan, d’où leur titre parfaitement choisi : Work in progress (2012). L’illusion est si parfaite que lors de ma visite, j’étais convaincue que de l’adhésif avait été appliqué sur la toile de façon délibérée, mais c’était avant qu’on me fasse réaliser que tout avait été créé en trompe-l’Å“il, à l’acrylique. Un beau tour de force. Finalement, l’oeuvre de Jonathan Plante, Treesome (2008), ferme bien la boucle. Encore ici, on est dans la tromperie et dans cette idée de suspension, de lévitation, presque, puisque Plante expose une branche en apparence tout à fait banale, mais qui en réalité est constituée de brindilles savamment collées afin de recréer une toute nouvelle branche.
Bref, c’est un excellent début d’année 2013 que nous offre la Galerie Hugues Charbonneau, et je vous conseille fortement d’aller y jeter un Å“il. Les subtilités y sont nombreuses, et celles-ci fascinent, mystifient, même. À expérimenter.
Galerie Hugues Charbonneau, espace 308
Benoit Aquin, Tammi Campbell, Karine Payette, Jonathan Plante
Le temps s’est arrêté
12 janvier au 16 février
http://huguescharbonneau.com/