J’ai tellement vu de bonnes expositions ces dernières semaines pendant la rentrée en arts visuels à Montréal que ça devient assez difficile de n’en choisir qu’une seule par semaine, mais bref, ce que je peux vous dire, c’est qu’il ne manque pas de qualité en ce moment au Belgo, alors profitez-en pour faire une petite tournée culturelle. Vraiment, vous ne serez pas déçus. Ceci étant dit, j’ai été particulièrement fascinée par l’exposition Demeurer en écluse de l’artiste montréalaise d’origine chilienne Camila Vásquez présentée à la Galerie B-312. En entrant dans la galerie, je n’étais pas trop certaine de comprendre ce que j’avais sous les yeux. Instinctivement, j’ai d’abord été attirée par le parcours poétique de feuilles épinglées autour de la galerie, toutes à une même distance du sol. Les mots étaient beaux, intrigants, et le fait de devoir longer les murs pour suivre le fil de mots permettait une réelle connexion avec le sujet.
Justement, ce sujet, il est précis et vaste à la fois. En fait, Vásquez s’est intéressée au corridor étroit de son appartement-atelier du quartier Centre-Sud, où était situé un puits de lumière communiquant avec les autres logements du bâtiment, et s’est mise à l’explorer d’une multitude de façons. Pendant un an et demi, Vásquez y a fait plusieurs expérimentations qu’elle a documentées de manière rigoureuse. L’artiste a entre autres décidé d’habiter littéralement ce corridor pendant un temps en y installant un matelas et tout l’attirail nécessaire pour en sortir le moins possible. Elle s’est aussi filmée interprétant une chorégraphie où elle explorait chaque recoin du lieu. Pendant une soirée, elle a photographié chaque variation qu’elle percevait. Une autre fois, elle a tendu des fils à partir de chaque endroit où elle entendait un bruit provenant des voisins. Finalement, elle a aussi construit une table étroite longeant le corridor et descendant dans la rue par les escaliers du logement et y a convié une foule d’invités. Bref, Vásquez a réellement effectué un travail colossal sur les notions de distance et d’intimité et de la présence d’un lieu.
Évidemment, tout cela a été effectué il y a quelques années, et ce que nous pouvons observer à la Galerie B-312, ce sont les rapports effectués par l’artiste de toutes les actions qu’elle a posées. Au centre de la pièce principale, un meuble-maquette en bois invite le spectateur à découvrir les traces de cette période de vie par le biais de tiroirs remplis de dossiers étoffés. Des vidéos peuvent aussi y être visionnées à l’aide de petits lecteurs. L’ensemble est très personnel et rend presque claustrophobe par moments tellement on ressent l’effet d’aliénation de passer autant de temps dans un si petit endroit. Et le rapport à l’écluse, il est où? Eh bien, après un rêve à ce propos, l’artiste s’est interrogée sur la définition officielle du mot et sur son rapport au corridor. Ce dernier serait-il une sorte d’écluse ou devenions-nous plutôt écluse nous-mêmes lorsque nous y passions? De ce questionnement, Vásquez a donc créé des liens entre l’idée des bassins communiquant et s’équilibrant éternellement et celle du corridor, passage entre deux espaces distincts. Sa recherche sur la relation entre le lieu et la personne est d’ailleurs très pertinente et de la voir développée de façon aussi rigoureuse renforce cette pertinence et apporte de nombreuses pistes de réflexion. On pourrait facilement passer des heures à tout lire, tout voir et tout entendre. Allez voir ça, question d’en juger par vous-mêmes!
Galerie B-312, espace 403
Camila Vásquez
Demeurer en écluse
6 septembre – 6 octobre 2012
www.galerieb312.ca