Pour vous mettre en contexte un tout petit peu, cette année, pour les dix ans de la Galerie SAS, six artistes deviennent commissaires le temps d’une exposition. C’est le cas de Peter Gnass qui a accepté de se prêter au jeu et de nous faire part de ses préférences dans une exposition en deux volets : La collection imaginaire de Peter Gnass. En effet, dans un premier temps, la galerie présente les Å“uvres de grande taille choisies par Gnass, et ensuite, ce sera au tour des petits formats. Je suis donc allée visiter la partie initiale cette semaine et je dois dire que j’ai été agréablement surprise par les choix de l’artiste. Sans même essayer de réunir des artistes au tour d’un même thème, Gnass réussit tout de même à créer une unité, une ambiance, une ligne directrice quelconque, sans que je puisse pour autant mettre un doigt dessus. C’est comme si le simple fait qu’une seule et même sensibilité soit aux commandes suffisait à amener une cohérence. Le titre de l’exposition provient d’une citation de Thierry de Duve que je trouve assez superbe et que j’ai envie de transcrire ici malgré sa longueur : « Si vous prenez en charge le “ceci est de l’art†en lui ôtant ses guillemets, la phrase devient votre jugement et vous baptisez cette chose, ici et maintenant, du nom d’art. Le résultat de ce jugement […] est que vous avez maintenant rentré la chose représentée dans votre collection d’art personnelle et imaginaire, de la façon que le musée l’a fait rentrer dans la collection publique et réelle. »
Tout d’abord, je dois dire que peu de temps après avoir visionné le superbe documentaire Manufactured Landscapes (que je vous conseille d’ailleurs fortement, mais ça, c’est une autre histoire), j’ai été bien heureuse d’admirer une photographie d’Edward Burtynsky, Jubilee Operations #1 (2007). L’attention du détail, les couleurs vibrantes – l’orangé du sable, le gris du minerai, le vert foncé de la forêt – et la sublime composition en font un véritable chef-d’Å“uvre. Toujours en photographie (il y en a beaucoup), Isabelle Hayeur et son Å“uvre Chemical Coast 2 (2011), issue de sa série Underworlds, amènent le spectateur dans un environnement modifié – pour ne pas dire détruit – par l’homme, un peu comme le fait Burtynsky. Lynne Cohen présente quant à elle Military Installation (1999-2000), cliché immortalisant une sorte de décor de bois installé dans un lieu public vide, déshumanisé, créant une scène étrange, mais familière. Guy Borremans, grande pointure de la photographie et du cinéma, joue aussi avec l’étrange avec une Å“uvre mettant en scène un mannequin au regard contemplatif, presque humain, s’accordant un moment de réflexion au beau milieu d’un entrepôt rempli de pièces détachées de ses semblables. Norbert Hillaire et Peter Gnass font aussi honneur au huitième art avec des projets fort intéressants.
Deux artistes complètent le parcours imaginé par Gnass, Claude Tousignant et Christian Kiopini, deux grands de l’abstraction au Québec. L’Å“uvre de Kiopini, monochrome gris-violet ponctué de formes géométriques tracées à même l’acrylique, crée une sensation semblable à celle laissée par la pluie ou la bruine, sans doute à cause des coups de pinceau subtils à la manière de fines gouttes d’eau. C’est de toute beauté. Pour ce qui est de Tousignant, c’est plutôt avec des aplats de couleurs contrastées – turquoise pâle, noir, blanc, rose, noir – prenant place sur deux toiles circulaires, sortes de cibles, que celui-ci vient chercher le spectateur. L’effet est saisissant.
C’est donc une exposition sensible que crée Gnass en nous présentant un échantillon de ses favoris, ayant tous en commun un grand souci de la démarche et de la recherche, et j’ai bien hâte de voir ce que nous réservera la suite de sa collection imaginaire. À voir absolument.
Galerie SAS, espace 416
Peter Gnass, Guy Borremans, Edward Burtynsky, Lynne Cohen, Isabelle Hayeur, Norbert Hillaire, Christian Kiopini et Claude Tousignant
La collection imaginaire de Peter Gnass
30 août au 15 septembre 2012
www.galeriesas.com