Je le dis tout de suite, j’aime ce genre d’exposition. J’aime quand on nous donne plein de matériel tout en nous laissant la chance de créer nos propres liens, de faire nos propres scénarios, avec juste assez de poésie pour que le travail se fasse tout seul (ou presque). J’aime aussi qu’on me fasse part de moments inattendus à l’autre bout de la planète, de vies banales, mais différentes, juste différentes parce qu’elles prennent place dans un tout autre contexte que ma vie à moi. Pendant un stage en France, à Saint-Denis, j’ai découvert le travail de Nogo Voyages explorant beaucoup les thèmes de l’urbanisation, de la déambulation, des banlieues, de la ville utopique, et cetera, et celui de Lili range le chat (Caroline Bernard et Damien Guichard) et de Michiko Tsuda, qui signent en ce moment Géodésie à la Galerie B-312, s’inscrit tout à fait dans cette lignée.
Je n’irai pas dans le détail de tout ce qui s’y trouve étant donné que la plupart des projets se révèlent d’une ampleur assez incroyable lorsqu’on s’y attarde, mais je peux tout de même expliquer brièvement de quoi il en retourne. La majorité des Å“uvres utilisent des technologies actuelles — webcam, GPS, Google Street View, et cetera —, dans une optique d’exploration du monde, ou plutôt d’exploration des tentatives d’exploration du monde par la technologie. Je vous ai perdus? Bon, pour clarifier tout ça, disons simplement que les artistes testent en quelque sorte les limites de ces outils, en se servant par exemple du décalage involontaire d’une vidéo émanant d’une webcam placée à l’autre bout du monde pour créer une chorégraphie, ou encore en imprimant le résultat distordu d’un travelling issu d’un voyage en voiture de Rio de Janeiro à São Paulo. Ce ne sont que deux exemples un peu flous, mais l’ensemble des projets reflète cette volonté d’intégrer la surenchère d’informations nouvelles et de plus en plus précises afin d’en faire ressortir les défaillances.
En plus d’Å“uvres vidéographiques ou photographiques de type documentaire, au centre de l’espace sont disposées six chaises, bien alignées comme dans une salle d’attente, où un texte découpé à la manière d’une pièce de théâtre ou d’un scénario (Six semaines de parallèles confondues: trente allers-retours entre ici et le centre de radiothérapie), est posé sur chaque banc, vestige d’une performance à six voix qui a eu lieu au tout début de l’exposition et dont nous pouvons aussi voir le résultat sur une petite télévision au sol. Quand je parlais plus haut de poésie, c’est en grande partie grâce à cette Å“uvre à plusieurs volets qu’elle se manifeste, et les mots de Caroline Bernard prennent parfois aux tripes. Il est évident que j’en aurais encore beaucoup à dire à ce propos, mais rien ne vaut une visite en bonne et due forme, alors je vous laisse découvrir tout ça à votre façon (mais vous conseille tout de même de vous y attarder un peu afin d’en apprécier les subtilités), et encore une fois, je vous invite à consulter les sites personnels des artistes expliquant en détail la démarche. Et si ce genre de chose vous intéresse, je vous encourage aussi à voir le superbe film interactif INSITU d’Antoine Viviani qui s’attarde à l’espace urbain et à ses tentatives d’investissement par l’art.
Galerie B-312, espace 403
Lili range le chat (Caroline Bernard et Damien Guichard) et Michiko Tsuda
Géodésie
25 avril au 25 mai 2013
www.galerieb312.ca