A priori, je n’avais pas l’intention d’aborder l’exposition présentée en ce moment à la Galerie Lilian Rodriguez, n’y ayant pas perçu de cohésion particulière ou quoi que ce soit de transcendant qui me fournisse assez de matière pour poursuivre la réflexion en dehors des murs. Mais vous vous en doutez bien, si j’ai finalement choisi d’en faire l’objet d’un article, c’est qu’il y a eu un déclic, un revirement de situation. En fait, je crois que la seule raison pour laquelle j’ai réellement envie que vous alliez voir ça, c’est les Å“uvres de Julien Boily, que j’aurais définitivement aimé découvrir en solo. C’est en repensant à ses travaux plusieurs jours après les avoir vus que je me suis dit que je devrais en glisser mot ici. Mais bon, je commence par le commencement.
L’exposition Une grande passion partagée: un flirt avec la jeune peinture (déjà , le titre ne m’inspirait pas trop) regroupe quatre jeunes artistes québécois censés témoigner « chacun à leur manière, de la vigueur du genre pictural tout en manifestant à travers des préoccupations particulières le souci de renouveler cette pratique ».1 Sans être assassine – parce que l’exposition n’est pas sans intérêt, loin de là —, je dirais simplement que pour avoir un témoignage pertinent de la « jeune peinture », il aurait sans doute fallu des Å“uvres plus fortes, se suffisant à elles-mêmes, ou alors élargir quelque peu le panorama en y greffant d’autres créateurs, d’autres points de vue. Il y a là de très belles propositions, mais quant à moi, l’ensemble se tient difficilement en un morceau solide et prégnant, ce qui n’incombe toutefois pas aux artistes.
Guillaume Clermont présente une série d’acryliques aux couleurs vives reprenant certains standards — pour parler en termes de jazz – de l’histoire de l’art, notamment Fontana et ses fameuses entailles. Travaillant à partir de l’image du crâne, surutilisée et « saturée de sens »2, Clermont cherche à l’en vider, justement, à l’affranchir de toute connotation habituelle. Stéphanie Matte, quant à elle, fait montre de beaucoup de légèreté et de naïveté, utilisant la poésie dans des titres comme Le faux gazon de mes rêves (2013) ou Flaque de suicide en laine (2013). Un dessin délicat au crayon sur panneau de bois, de beaux motifs, de la place pour l’imagination, bref, un univers fertile qui en donne juste assez au spectateur. Martin Lord installe aussi un climat particulier, étrange, cette fois-ci, avec ses Å“uvres B, R et V (2013), clins d’Å“il aux couleurs de chacune des toiles. La bleue m’a spécialement plu, alors qu’un personnage rappelant le côté farfelu d’Alice au pays de merveilles semble tomber en chute libre, l’image ayant été découpée en deux cases empruntant un peu à la bande dessinée. Quant à Julien Boily, en plus d’avoir une maîtrise technique incroyable, il réussit à proposer un discours chargé en mélangeant représentations de technologies désuètes (à savoir la télé à écran cathodique et les fameuses «oreilles de lapin») ou d’objets liés à la surconsommation (ici, le sac de plastique et la barquette de styromousse) à des items habituellement associés à la nature morte comme les fleurs coupées et l’oiseau mort.
Pour moi, ce sont tous les quatre des artistes à surveiller, avec des corpus très intéressants et des démarches singulières (il suffit de parcourir leurs portfolios pour s’en rendre compte), mais le choix des Å“uvres et leur agencement seraient peut-être à revoir si la galerie souhaite renouveler l’expérience et élever le niveau pour que ça ne soit pas qu’une simple exposition collective comme on en voit partout. Je vous invite donc à vous faire votre propre opinion en vous rendant à la Galerie Lilian Rodriguez avant le 18 mai et en explorant plus en profondeur les propositions de chacun sur le Web.
1 Tiré du site Internet de la galerie.
2 Tiré du site Internet de l’artiste
Galerie Lilian Rodriguez, espace 405
Julien Boily, Guillaume Clermont, Martin Lord et Stéphanie Matte
Une grande passion partagée : un flirt avec la jeune peinture
13 avril au 18 mai 2013
www.galerielilianrodriguez.com