Dans le cadre de ses dix ans d’existence, la Galerie SAS a articulé une exposition autour d’une problématique soulevée par l’artiste Fred Laforge, sur laquelle se sont penchés quatre autres plasticiens de talent. Intitulée Ambivalence : forme et informe, celle-ci s’attarde donc, vous l’aurez deviné, à l’ambivalence entre la forme et l’informe. Logique. Mais plus spécifiquement, Laforge s’est posé la question suivante : « Qu’est-ce que la forme de l’objet d’art et quelle perception en fait-on? »1 Dans cette optique, le choix des artistes s’imposait, et ceux-ci me semblent donc judicieux. Les plus assidus du Belgo ne seront sans doute pas déroutés par ces noms bien connus, mais retrouveront avec plaisir quelques Å“uvres issues des meilleurs corpus des dernières années.
Ayant investi une pièce isolée de la galerie, Andrée-Anne Dupuis-Bourret s’approprie de façon extrêmement efficace la thématique proposée par Laforge. En effet, Fragments bisymétriques (2013) est composé de formes géométriques bien définies se transformant en un flou impressionnant lorsque rassemblées. En regardant l’installation au mur, on a l’impression de pouvoir distinguer une image pixelisée, une forme quelconque — des nuages, de la fumée, peut-être —, mais celle-ci nous échappe, et il en va de même pour l’amoncellement de formes noires au sol. Tout semble très structuré, réfléchi, mais l’ensemble reste insaisissable. Dans un même ordre d’idée, les Å“uvres de Fred Laforge, quoique beaucoup plus figuratives, se rapprochent de la pratique de Dupuis-Bourret. Les titres, Katia floue (2012), Debbie floue (2012), Katia pixel (2012) et Katia decimate (2012), sont d’ailleurs sans équivoque pour présenter des femmes nues aux contours indistincts (dans leur version papier) et à l’aspect pixelisé (dans leur version tridimensionnelle).
Chloé Desjardins, à propos de qui j’ai déjà écrit quelques fois (j’adore son travail, je n’y peux rien), était aussi un choix tout indiqué pour appuyer le concept de l’exposition, et j’ai été fascinée par Présence et absence (2012), installation comprenant deux piédestaux, l’un noir, l’autre blanc, surmontés de formes d’apparence minérale, l’une noire, l’autre transparente, très intrigante avec ses reflets et percées lumineuses. Bien que certaines pièces présentées plus loin l’aient aussi été lors de son solo à B-312, j’ai trouvé que cette remise en contexte d’Å“uvres était pertinente, et je pense qu’en général, dans le cas de Desjardins, cette interchangeabilité est particulièrement intéressante à exploiter.
Dans la petite pièce du centre, Avec (2013) d’Éric Cardinal surprend par son étrange cohérence, alors que des bouts de pailles de plastique, des couvercles de tasses jetables, des mains de plâtre, des cure-pipes et autres ajouts improbables s’entendent comme larrons en foire. Au final, l’ensemble se rapproche curieusement d’un organisme vivant, d’une plante exotique ou d’un quelconque circuit organique. Finalement, Simon Bilodeau, qui avait beaucoup fait parler de lui grâce à son solo Le monde est un zombie présenté à Saint-Hyacinthe et à Laval en 2011, questionne à son tour la forme de l’objet d’art avec des Å“uvres utilisant le miroir pour créer des déformations et des reflets inédits, entre autres choses, mais je vous laisse le soin de découvrir le reste par vous-mêmes. Ça en vaut la peine.
1 Tiré du communiqué de l’exposition
Galerie SAS, espace 416
Andrée-Anne Dupuis-Bourret, Chloé Desjardins, Éric Cardinal, Simon Bilodeau, Fred Laforge
Ambivalence : forme et informe
31 janvier au 2 mars 2013
http://www.galeriesas.com