Adad Hannah à Pierre-François Ouellette Art Contemporain

Pierre-François Ouellette Art Contemporain, Adad Hannah, A couple sitting on two rocks

Tout le monde me parle tout le temps d’Adad Hannah. J’exagère sans doute, mais à peine. On l’étudie dans mes cours d’art, on lui consacre des dossiers dans les journaux et les revues spécialisées, et c’est pratiquement toujours pour vanter son génie. Malgré cela, je n’avais jamais eu la chance de bien m’imbiber de sa pratique, sauf brièvement à la Triennale québécoise il y a quelques années. J’étais donc très heureuse de pouvoir le faire plus sérieusement cette semaine à Pierre-François Ouellette Art Contemporain, où sont présentés actuellement ses Travaux récents.

La première partie de l’exposition est consacrée à 18 minutes (2010), installation à six écrans alignés horizontalement où dix-huit vidéos d’une minute se succèdent. Celles-ci mettent en scène des moments figés d’une petite soirée festive entre amis, les invités ayant été cadrés de façon à omettre délibérément les visages, laissant toute la place à l’expressivité des mains, à la gestuelle. On y voit entre autres une main tendant un verre à une autre, des mains se touchant lors d’une partie de cartes, d’autres se servant à boire et à manger autour d’une table remplie de victuailles, et tout cela sans le moindre mouvement (ou presque), à la manière de tableaux vivants. J’écris « ou presque » parce que bien que les invités prennent la pose et s’immobilisent, le tremblement de leurs membres en suspens et leurs tics nerveux rendent le tout très vivant et apportent une étrangeté particulière à l’ensemble, et c’est d’ailleurs un procédé employé abondamment par l’artiste.

Dans la pièce au moelleux recouvrement de sol, Hannah propose sa série Daydreams of the Drunken Scholar (2012), s’inspirant cette fois-ci des gravures japonaises érotiques shunga et du mobilier chinois du San Antonio Museum of Art, qui fut d’ailleurs en partie utilisé pour ces mises en scène. On retrouve donc un décor aux couleurs riches, aux tapis luxueux et aux vases finement ornementés, qui est le théâtre de perversions esquissées. En effet, Hannah ne va pas jusqu’à la nudité et la sexualité, recouvrant ses modèles de drapés et se contentant de figurer des rapports passifs, mais suggère habilement l’orgie et ses dérivés. J’ai particulièrement apprécié Two Body Equilibrium (2012), tableau vivant mettant en scène deux hommes en équilibre l’un sur l’autre pendant près de cinq minutes, en parfaite symétrie, immobiles, imperturbables, forts.

Finalement, quelques clichés de The Diversions (2012), un projet réalisé en collaboration avec des étudiants de la communauté de Sarnia, en Ontario, sont aussi de l’exposition. À mon avis, c’est sans doute la partie la plus faible du lot, simplement parce que de nombreux éléments ont été omis, l’Å“uvre étant normalement constituée de décors et d’écrans entrant en relation. Il manquait donc quelque chose pour amener un peu de cohérence à tout ça, les photographies se suffisant difficilement en elles-mêmes, mais il est tout de même assez facile de comprendre le concept, d’extrapoler et de se figurer la suite. L’idée des enfants prenant le contrôle dans la peau de policiers ou en saccageant une classe frappe l’imaginaire, et la construction de ces quelques images est étonnante. On a envie de voir le reste.

D’ailleurs, si la pratique d’Adah Hannah vous intéresse, je vous invite à visiter son site web riche en explications et en documentation. Et l’exposition vaut le détour, ne serait-ce que pour découvrir le travail de cet artiste très important.

Pierre-François Ouellette Art Contemporain, espace 216
Adad Hannah
Travaux récents
7 février au 16 mars 2013
www.pfoac.com


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