Lorna Bauer à la Galerie Nicolas Robert

Lorna Bauer, Grey is a Colour, Gray is a Color, Galerie Nicolas Robert

Avant même de me rendre à la Galerie Nicolas Robert pour y découvrir les travaux récents de Lorna Bauer, j’avais l’impression que j’allais apprécier ce que j’allais y voir. Ça m’arrive de temps en temps lorsque je lis un peu trop sur une exposition avant de la visiter, et justement, le discours que portait le texte d’accompagnement de Vincent Bonin m’avait semblé fort intéressant. Les quelques avant-goûts que j’avais eus de la pratique de Bauer m’avaient aussi bien plu, donc tout cela pour dire que quand j’ai découvert Grey is a Colour, Gray is a Color, j’avais déjà un immense a priori, ce qui peut être à la fois une bonne et une mauvaise chose. Heureusement, je n’ai pas été déçue.

Lorna Bauer présente un ensemble photographique des plus pertinents ayant pour thème élargi le quartier des textiles de New York, que l’artiste a exploré au printemps dernier. Celle-ci s’est attardée aux devantures de magasins en décrépitude, plus précisément à leurs vitrines encrassées, où les rouleaux de tissu, les affiches en carton défraîchi et les mannequins d’un âge certain sont à l’honneur. Certaines photographies, Come In (2012) entre autres, rappellent vaguement les accumulations d’Arman tant l’aspect formel des entassements agit de façon presque autonome. Mais surtout, ce qui frappe dans ces Å“uvres, ce sont les couches de représentation, parce qu’en choisissant de photographier des vitrines, évidemment, le reflet des actions de la rue revêt aussi un intérêt particulier. Dans Sans titre (Garment District) (2012), par exemple, les détails sont innombrables. Un homme affairé à envoyer un message texte apparaît dans un coin, Bauer elle-même, prenant la photo, se laisse entrevoir au centre, les roues d’une bicyclette stationnée sur le trottoir semblent coincées entre deux niveaux de vitrine, les détails architecturaux des bâtiments de l’autre côté de la rue se mélangent aux motifs félins et pailletés des tissus mis de l’avant. Bref, plus on s’y attarde, plus les niveaux de réflexion se dévoilent.

Le point fort de l’ensemble, selon moi, reste toutefois la série créée par trois niveaux d’exposition d’un même cliché (surexposé, exposé correctement et sous-exposé), donnant d’ailleurs son nom à l’exposition. Ces trois photographies, séparées les unes des autres dans la galerie, ressortent vraiment du lot par leur côté presque pictural, abstrait, même. C’est d’ailleurs un peu ce qui se dégage de l’exposition en entier, cette formalité axée sur les variations de motifs des tissus (la série Bracket (2012), notamment), sur les formes créées par les entassements et les compositions très structurées jouant avec l’architecture des devantures de magasins. L’aspect très contrôlé des propositions contraste d’ailleurs avec celui plus fortuit des reflets, rendant les Å“uvres d’autant plus fascinantes. Mais bref, c’est vraiment avec la série Grey is a Colour, Gray is a Color (2012) que Bauer explore le mieux cette facette, justement parce que la vitrine photographiée ne contient pas de niveaux cachés à découvrir en s’y attardant. On y voit une vitrine, toujours, mais complètement recouverte de peinture mate, rendant impossible la construction de reflets. Chacune des trois propositions présente des niveaux de gris différents, les mêmes formes très droites et ce même aspect plat, pictural et abstrait, comme je le mentionnais plus haut.

Il faut le voir pour le comprendre, mais ces petites Å“uvres (onze par quatorze pouces seulement) ont une présence étonnante, et ne serait-ce que pour cela, je vous invite fortement à vous rendre à la Galerie Nicolas Robert. L’exposition se poursuit en janvier, alors il vous reste encore pas mal de temps. Et pour ceux qui, comme moi, n’avaient pas fait le lien, c’est cette même Lorna Bauer qui, lors de la Triennale québécoise de 2011, avait réalisé ceci.

Galerie Nicolas Robert, espace 524
Lorna Bauer
Grey is a Colour, Gray is a Color
24 novembre au 19 janvier 2012
http://galerienicolasrobert.com


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