Les détours du possible aux Territoires (ou le seizième de Montréal/Brooklyn)

Les Territoires, Véronique Ducharme, Armours

Montréal/Brooklyn,
pour ceux qui ne connaissent pas le principe, c’est un événement artistique en deux volets servant à créer un pont entre — vous l’aurez deviné — les villes de Montréal et de Brooklyn. En tout, c’est seize institutions (la moitié ici et l’autre là-bas) qui consacrent une partie de leur programmation annuelle à ce nouveau rassemblement. L’idée est évidemment excellente (on salue d’ailleurs les gens du Centre CLARK qui sont à l’origine de tout cela) et le tout donne lieu à des expositions de très grande qualité. Comme la portion montréalaise est en cours, je débute en vous parlant de ce que présente la galerie Les Territoires : l’exposition collective Les détours du possible, regroupant huit artistes femmes d’ici et de là-bas.

En entrant dans la petite galerie, la première chose qui saute aux yeux, c’est à quel point les univers des artistes sélectionnées sont différents et à quel point l’ensemble est hétéroclite. Au premier coup d’Å“il, il est même assez difficile de faire des liens entre toutes les propositions, mais en lisant le communiqué, on apprend que l’exposition « invite le public à déployer son imaginaire à travers les récits composés par huit artistes femmes » et que ces dernières « nous font pénétrer dans un univers façonné de microfictions dont elles tissent les premières lignes ».1 Je ne vous recopierai évidemment pas tout ce qu’on peut y lire, mais tout ça pour dire qu’avec Les détours du possible, on est un peu dans un livre dont vous êtes le héros.

Les artistes jouent donc avec ce besoin un peu incontrôlable que nous avons, en tant que spectateurs, de vouloir toujours tout comprendre instantanément. L’Å“uvre de Barbara Siegel, Re-source I-II-III (2012), par exemple, s’inscrit totalement dans cette logique. Trois cabinets de curiosités, si on peut les appeler ainsi, sont installés à l’entrée. À l’intérieur sont disposés une cocotte de pin, des découpures de journaux, des photographies anciennes, une règle, des dépliants concernant les sciences naturelles et autres trésors. Tous ces objets reliés entre eux créent des histoires, et plus on passe de temps à les observer, plus ces histoires se multiplient et se complexifient. Lors de ma visite, une petite araignée se promenait sur le bois d’un des cabinets, rendant l’expérience d’autant plus fascinante et ajoutant au déploiement des récits. Véronique Ducharme et Catherine Tremblay, quant à elles, utilisent la photographie comme point de départ. Ducharme présente deux Å“uvres de sa série Armours (2010), où des vêtements (ici un manteau de fourrure et une espèce de drap blanc) semblent moulés sur des corps qui ne sont plus, et Tremblay, avec Une foule d’autres (2012), nous présente une superposition d’individus issus de sa vie privée, et encore là, on se surprend à interpréter le tout à notre manière et à laisser notre imagination dériver dans cet univers personnel. 

Faisant le pont entre photographie et installation, Minna Pöllänen présente quinze clichés pris à divers moments de l’année et adoptant tous le même point de vue sur une structure de bois évolutive incorporée à la nature environnante. (Une autre intervention de cette dernière peut d’ailleurs être expérimentée à l’angle des rues Saint-Urbain et de Maisonneuve, pas très loin du Belgo.) L’Å“uvre Kaleidoscope (2012) de Kathleen Schneider allie le réconfort des souvenirs de jeunesse à la dangerosité des appareils de guerre, et Everything Happens Here (2010) d’Aimée Burg, sorte de cabane rappelant aussi l’enfance, joue sur la curiosité du spectateur et sur ses attentes, ce qui est totalement en lien avec le thème de l’exposition. Toujours dans cet esprit participatif, Bang-Geul Han présente une application iPad où une foule de scénarios loufoques impliquant une baguette de pain peuvent être modifiés à notre guise par de simples actions effectuées sur la tablette numérique.

C’est donc une superbe exposition collective que nous présente la galerie Les Territoires dans le cadre de Montréal/Brooklyn, et je vous invite fortement à explorer les divers lieux de la moitié montréalaise de l’événement qui se terminera officiellement le 17 novembre, surtout si, comme moi, vous ne pouvez vous rendre à New York en janvier pour la suite.

1 Tiré du communiqué de presse de l’exposition 

Les Territoires, espace 527
Aimée Burg, Julie Côté, Véronique Ducharme, Bang-Geul Han, Minna Pöllänen, Kathleen Schneider, Barbara Siegel, Catherine Tremblay
Les détours du possible
20 octobre au 24 novembre 2012
http://lesterritoires.org


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