Cette semaine, j’ai envie de vous parler d’une minuscule exposition (de cinq Å“uvres seulement) qui m’a bien plu pour la richesse de ses propositions, mais aussi pour son discours sous-jacent qui m’a permis de découvrir un texte plus qu’intéressant du grand Le Corbusier. Depuis un cours d’architecture américaine suivi à l’université il y a quelque temps, je dois dire que tout ce qui touche de près ou de loin à cette discipline, surtout lorsqu’elle est combinée aux arts visuels, me ravit au plus haut point. L’exposition Espaces indicibles présentée dans la petite salle de la Galerie Trois Points en ce moment ne fait pas exception à la règle, puisqu’elle met en scène le travail de trois jeunes artistes ontariens explorant le troisième art dans leur pratique.
Le Corbusier, dans son texte de 1945 L’espace indicible, parlait d’une quatrième dimension semblant « être le moment d’évasion illimitée provoquée par une consonance exceptionnelle juste des moyens plastiques mis en Å“uvre et par eux déclenchée. »1 Pour lui, donc, seule la réunion de l’architecture, de la sculpture et de la peinture en une perfection et une précision absolues permet d’atteindre cette dimension où règne l’harmonie. Je résume rapidement, mais disons que l’essentiel du discours est à peu près là . Les trois artistes nous invitent donc à expérimenter cet espace, chacun à l’aide de médiums totalement différents.
Tout d’abord, Luke Painter utilise le dessin à l’encre pour Saarinen House (2012), Å“uvre où l’étrangeté côtoie le détail et l’ornementation et de laquelle il se dégage une sensation de solitude inquiétante, un peu comme dans certains travaux surréalistes de De Chirico. Ici, toutefois, l’architecture est mise à l’avant-plan alors que Painter joue sur les textures comme la pierre des murs ou la tuile romaine du toit, mais les juxtapose à un environnement improbable, alors que des arbres dont les bouts semblent avoir été taillés sont disposés à l’avant et où les fenêtres reflètent un beau ciel bleu alors que la maison est disposée dans un vide blanc.Â
Alex McLeod, quant à lui, crée par ordinateur des univers fantastiques rappelant parfois celui des jeux vidéo et flirtant aussi avec le surréalisme. Dans Secret Room (2012), par exemple, l’artiste crée un espace rappelant les villages de Noël construits sous le sapin ou encore celui des Schtroumpfs. On a l’impression d’entrer dans un monde miniaturisé où des constructions de bois partagent le terrain avec des formes chatoyantes, énigmatiques. Black Yellow (2011) est plus futuriste, reprenant ces formes presque sensuelles et les plaçant dans un environnement fait de miroir et de latex.
Les espaces créés par James Oley sont à des lieues de ceux des artistes mentionnés précédemment, se rapprochant presque de l’abstraction. Oley utilise la peinture à l’huile de façon très gestuelle, ce qui donne un rendu plus flou et ajoute à l’aspect « en construction » des univers créés, puisqu’on a l’impression d’entrer sur un chantier où les murs n’auraient pas encore été mis en place ou encore dans une bâtisse en cours de démolition. L’ensemble est dynamique, presque mouvant, et les couleurs utilisées (bleu ciel, rose, mauve, brun, entre autres) ajoutent à cet effet.
Bref, si vous avez envie de vous projeter dans des architectures complètement folles ou simplement d’admirer la maîtrise technique exemplaire des artistes présentés, je vous encourage fortement à visiter l’exposition, et la connaissance de Le Corbusier ou de l’architecture est tout sauf nécessaire pour apprécier l’ensemble.
1Tiré du texte de 1945 L’espace indicible de Le Corbusier, que je vous invite à télécharger ici gratuitement.
Galerie Trois Points, espace 520
Alex McLeod, James Olley et Luke Painter
Espaces indicibles
17 novembre au 15 décembre 2012
www.galerietroispoints.qc.ca