La semaine dernière, j’ai visité l’exposition de Daniel Lahaise à la Galerie Lilian Rodriguez, et pour résumer très rapidement, je dois dire que les créations de l’artiste m’ont tout d’abord laissée un peu de glace, sans toutefois me déplaire totalement. En fait, j’ai plutôt eu l’impression de manquer d’informations pour saisir les subtilités de son travail, n’ayant pas de communiqué de presse ou d’indications de ce genre à portée de main lors de mon passage. J’avais donc décidé de ne pas en faire le résumé ici et de jeter mon dévolu sur une autre cible. Mais quelques jours plus tard, alors que j’assistais à un cours de dessin, le professeur se mit à nous parler de l’exposition et à la relier à notre enseignement. Je me suis donc mise à revenir mentalement sur mon expérience et à lire les informations complémentaires, et je dois dire que ma réaction mitigée du début se transforma en réel intérêt.
En fait, l’exposition À la cinquantième seconde pose un regard particulièrement pertinent sur la pratique du portrait et sur la relation entre l’artiste et son sujet. Lahaise s’intéresse depuis plusieurs années à cette mécanique et propose ici une série d’Å“uvres dans cette continuité, résultat de sa maîtrise en arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal. Dans sa série Hyperpalimpeste (2012), Lahaise utilise la pointe d’argent de façon presque compulsive, en repassant sans cesse sur ses traits précédents, toujours dans une idée de travail sur le portrait. Ici, donc, des corps peuvent être distingués, mais ceux-ci sont flous, brouillés, manquent de détails. L’effet créé m’a fait vaguement penser à ces petites inscriptions gravées au compas sur les bureaux d’écolier ou encore sur les vitres des wagons de métro, un peu comme l’exposait Michel de Broin dans sa suite photographique Silent Shouts.
La série Interlignes (2012) m’a quant à elle rappelé les dessins enfantins effectués en gribouillant une feuille et en remplissant ensuite aux crayons de couleur les espaces négatifs créés, et il y a quelque chose d’assez intéressant dans le fait de se servir de techniques du genre pour brouiller les cartes et pousser une réflexion sur la pratique en tant que telle. Évidemment, Lahaise n’a pas fonctionné ainsi pour créer ses Å“uvres, mais tout de même, l’idée d’un retour à la simplicité pour exposer un sujet éclaté, décortiqué, finement analysé, m’a beaucoup plu, et le côté ludique aussi. Ici, l’ensemble contraste énormément avec Hyperpalimpeste, parce que la couleur y est extrêmement présente. Lahaise réalise des Å“uvres à l’acrylique en opposant le noir à une couleur contrastante, souvent très vive, et au final, le lot présente un aspect très industriel, la luisance crée par l’époxy ajoutant à l’effet. Encore ici, on a l’impression de pouvoir distinguer certaines formes, mais le tout est chaotique et insaisissable, et d’autant plus fascinant.
Lahaise signe donc une exposition cohérente et esthétiquement riche, et dans une optique de recherche de singularité dans la pratique du dessin, le résultat est particulièrement achevé. Mais que vous vous intéressiez ou non à ce médium, vous risquez de passer un excellent moment à essayer d’extraire des images claires du fouillis de Lahaise et à y trouver des points de repère.
Galerie Lilian Rodriguez, espace 405
Daniel Lahaise
À la cinquantième seconde
15 septembre au 27 octobre 2012
www.galerielilianrodriguez.com