Tentations techniques: Les films de Maria Lassnig à la Galerie SBC

Maria Lassnig Galerie SBC Self-portraitAvant même de me plonger dans les rares films de Maria Lassnig à la Galerie SBC, je me doutais fort que j’apprécierais l’expérience. Évidemment, j’aurais pu me tromper, j’aurais pu être déçue, mais comme je l’avais prédit, je ne le fus pas le moins du monde. Tentations techniques : Les films de Maria Lassnig propose cinq vidéos réalisées par l’artiste autrichienne dans les années 70 de même qu’une vidéo plus récente du début des années 90, toutes réalisées rapidement et de façon très expérimentale, d’où l’expression « tentations techniques » qu’elle a elle-même utilisée pour commenter son incursion dans l’animation. Lassnig expliquait d’ailleurs de très belle façon ses réticences à transposer son art sur pellicule dans cette citation : « Jauger ces dessins, créés et compris dans la contemplation, à l’aune de la forme d’art la plus rapide, soit le film, où chaque seconde importe, est aussi contradictoire que de confier une voiture de course à un moine bouddhiste. Si le dessin se suffit à lui-même lorsqu’il est au repos, pourquoi lui faire faire de la gymnastique? » 1 En effet, il existe quelque chose de paradoxal au fait de vouloir animer des images que l’on pourrait très bien observer pendant des heures afin d’en faire une succession rapide que l’on peut à peine apprécier, mais bien évidemment, le film d’animation possède d’innombrables qualités, et ceux de Lassnig ne font pas exception à la règle.

Lors de ma visite, j’ai débuté par la vidéo Couples (1972) projetée au fond de la salle principale. Mon visionnement s’est amorcé sur un accouplement machinal entre deux formes rouges au son d’une musique rétro. Le ton était donné. Un homme appelant d’un téléphone public revient sporadiquement à l’écran, d’abord pour se languir (« I need to see you! »), ensuite pour confirmer sa volonté (« We’re involved! »), puis pour annuler sa visite (« I can’t come over. I have to work overtime. »), et finalement, pour rompre (« I can’t be involved with you anymore.»). Ce sont plusieurs petites saynètes du genre qui se reproduisent, tantôt drôles, tantôt amères, ayant toutes un lien avec le couple et ses travers.

Palmistry (1973), puise son inspiration des mêmes problématiques, mais allie dessins et sketchs sur fond de conversation très ironique avec un chiromancien. Chaque fois que ce dernier établit un constat à partir des lignes de la main de Lassnig (ou de son alter ego), ils sont immédiatement réfutés. Encore une fois, le sens de la répartie de l’artiste est mis à l’avant-plan (« You’ll reach full sexual life à 70. », dit-il. « What can I do to speed up? », répond-elle.). Sur le même écran, Chairs (1971) utilise l’anthropomorphisme pour donner vie à des chaises de façon très dynamique, très gestuelle. L’idée d’expérimentation du corps est très présente chez Lassnig, et ici, la référence y est évidente.

Dans Art Education (1976), c’est plutôt l’histoire de l’art qui est pris à partie et dont l’artiste se moque avec irrévérence. On y entrecoupe des segments d’une conversation entre Dieu, Adam et Ève alors que le premier en est à l’étape de la création des deux autres (encore une fois dans une optique de changer notre perception très unilatérale du corps) ou encore d’une séance où un peintre fait poser un modèle (« You treat me like an object », se plaint le modèle. « You are an art object now », de répondre le peintre.). Self-portrait (1971) reprend la thématique de l’amour et de la recherche de l’âme sÅ“ur dans un monologue poignant délivré d’un ton monotone par Lassnig, accent allemand en sus.

Finalement, Kantate (1992) présente Lassnig déguisée, chantant l’histoire de sa vie en allemand dans un décor dessiné de sa main sur un air de chanson traditionnelle. Le décor et le costume varient selon les paroles de cantate, relatant les péripéties personnelles de l’artiste pour se sortir du chemin conventionnel qui lui semblait déjà tracé. Bref, l’univers filmique de Lassnig n’est pas banal et conjugue une excellente maîtrise du dessin gestuel à des thématiques fortes, personnelles et abordées avec beaucoup d’esprit. De plus, ce corpus d’Å“uvres s’inscrit parfaitement dans l’esprit de l’art féministe des années 60 et 80, particulièrement étudié ces dernières années, et rend donc le tout incroyablement pertinent. À voir.

1Tiré du communiqué de presse de l’exposition rédigé par Peter White, commissaire.

Galerie SBC, espace 507
Maria Lassnig
Tentations techniques: Les films de Maria Lassnig
7 septembre au 10 novembre 2012
www.sbcgallery.ca/


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